vendredi 4 mars 2011

Ecrire un scénario : Le Contexte

Le Contexte : le décor du scénario



Elément très important, vraiment majeur dans l’ambiance et la cohérence du scénario. Il faut très vite se représenter, avant de commencer à rédiger à proprement parler, le milieu dans lequel se passe le scénario : mieux votre cadre sera défini, moins les joueurs auront l’impression d’être dans un décor de théâtre qui n’a été fait que pour eux...



Si je devais résumer en une phrase ce paragraphe, c’est avec celle de Steve, webmaster du fantastique site AJDR : « votre monde de jeu n'attend pas les personnages ». Je vous recommande grandement la lecture de ses articles! Une mine d'or concernant l'ambiance en JDR!

1) Les descriptions et l'ambiance

Pensez à la géographie des lieux, au climat : les joueurs doivent sentir la différence entre la toundra sibérienne prise par le blizzard en plein hiver, et la traversée de la vallée de la mort en plein été. Ils doivent s’y croire ! Pour cela, n’hésitez pas à glaner des informations sur votre cadre de campagne, sur internet mais pourquoi pas aussi en bibliothèque. Outre les suppléments du commerce spécifiquement rédigés comme support géographique pour un jeu donné (exemple : les éditions « sans détour » et leur guide de New York, ou bien guide de la Nouvelle Orléans), les guides touristiques sont aussi très sympathiques pour retranscrire l’ambiance. En particulier parce que les auteurs cherchent justement à retransmettre les ambiances locales. La campagne « L'héritage Greenberg » se déroule à la Nouvelle Orléans? Renseignez vous un peu sur le vaudou, les marais et le carnaval.



Faire jouer un scénario à New York et sortir pour l’occasion une vraie carte de la Grosse Pomme fait toujours son petit effet ! Une petite virée dans Manhattan est l'occasion de décrire les PJ se sentant minuscules face aux immenses gratte-ciels de verre, acier et béton, et de l'effervescence qui règne à leurs pieds : entre le capharnaüm de klaxons, les rangées de Yellow Cabs tous bloqués dans les perpétuels embouteillages, les centaines d'hommes d'affaires mangeant leur hot dog ou cheese burger sur le pouce en costard cravate, téléphone à l'oreille... Décrivez leur cette fourmilière que vous avez vu tant de fois à la télévision (Men in Black, Leon, Lord of War, etc...); ces gens qui vous bousculent sans même décoller leur téléphone de leur oreille, les jeunes avec le baladeur mp3 à fond qui avancent en regardant fixement le sol comme des zombies, les gens tassés et écrasés dans les bus ou le métro, etc...


Et faites de même avec un environnement sauvage : en pleine foret, remémorez vous la dernière fois que vous êtes allés ramasser des châtaignes ou des champignons, souvenez vous des bruits, des odeurs (en particulier en automne), des couleurs... Imaginez des bruits d'animaux, des craquements de branchages, rendez votre forêt vivante.


2) La populace

    Maintenant votre cadre choisi, il reste à le peupler (le cas échéant). Votre scénario de Delta Green se passe dans une petite ville paumée du Midwest (genre Iowa) : imaginez vous  dans la pure Amérique conservatrice, qui tient plus que tout à son 2nd amendement («Le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé »), l'Amérique rurale avec ses farmboy, des champs de blé et de maïs à perte de vue, avec John Wayne comme idole incontestée. Imaginez vous bien la tête des locaux, dans leur petit monde à eux, quand les PJ, agents fédéraux aux longues dents, costards impeccables et lunettes de soleil, débarquent avec leurs grands sabots "nous sommes du Bureau" en les prenant pour des demeurés. Eh bien voilà, vous avez capté la notion de « populace », qui rendra vos environnements crédibles (aux yeux des joueurs ^^). Bien sûr, il s'agit de caricature : je n'ai jamais mis les pieds dans le Midwest, et je me garde bien de dire à quoi ressemblent vraiment les habitants d'un bled de l'Iowa; mais il s'agit avant tout de retranscrire une ambiance, basée sur l'image que nous avons dans notre culture populaire. Alors oui, on peut se permettre de forcer un peu les traits, ça renforce l'ambiance et c'est juste pour le jeu! ;) Eh oui, dans mon esprit, Edgar, le fermier de Men in Black, sera à jamais l'image du farmboy américain. ^^





    Et c'est ici en particulier que s'applique le fameux conseil de Steve, Webmaster du site AJDR : « votre monde de jeu n'attend pas les personnages ». Ceux qui ont vu The Truman Show voient très bien le problème. Dans le film, Truman (joué par Jim Carrey) est la pièce centrale d'un énorme film de téléréalité où tout, absolument tout est mis en scène pour lui : il vit dans un décor de studio géant depuis sa naissance sans s'en rendre compte. Mais il commence à avoir quelques interrogations et dès qu'il sort du « script » prévu par le réalisateur, toute la ville n'est que carton-pâte, les figurants et autres acteurs ne savent plus comment réagir à ses réactions imprévues...
    Voilà ce qu'il faut à tout prix éviter pour que votre ambiance ne tombe pas à l'eau. Votre fameuse populace est composée de centaines de figurants, qui ont chacun une vie (fictive hein ^^), et les PJ n'en font certainement pas partie. Chacun vaque à ses occupations : le fermier sème ses graines, laboure son champ avec ses boeufs (ou conduit sa moissonneuse batteuse selon les époques ^^) ; le barman du bar branché n'a absolument pas de temps à consacrer pour vous raconter les dernières « rumeurs » parce qu'il a des dizaines de clients à servir et que de toute façon, personne ne vous entend avec la musique de fond ; les urgences de l'hôpital où vos PJ viennent se faire soigner après une fusillade sont bondées et ont reçu 2 autres blessés par balle dans la même heure ; tout ce qui intéresse le commerçant que les PJ interrogent à propos du meurtre, c'est de savoir s'il sera dédommagé pour sa vitrine brisée, etc... Les PNJ pensent à eux et d'abord à eux. De la même façon que n'importe qui que vous pourrez rencontrer dans le métro vous laissera de marbre. Et de la même façon que le monde ne tourne pas autour de vous, votre monde de JDR ne tourne pas autour des PJ (Ou en tout cas, il n'en donne pas l'impression! Paradoxalement, n'oubliez pas que les PJ restent quand même les héros de votre histoire :p). Il n'en sera que plus crédible.


3) Le cloisonnement géographique, les contraintes du milieu

Outre l'ambiance, travailler sur le contexte géographique permet aussi de poser des limites aux mouvements des PJ (contrôle des flux migratoires… ou comment contrer le « Ta carte elle est sympa, mais moi je veux aller LA. » avec le gentil joueur qui montre une zone en dehors de la carte…). Il faut alors jouer sur les contraintes naturelles du milieu : la jungle et sa forêt tropicale dense dans un climat si humide et chaud qu'on pourrait y faire cuire des brioches-vapeur... La haute montagne en hiver et ses lots de neige, froid, blizzard, avalanches, crevasses cachées, éboulements... Le désert, la grande fournaise le jour, et les températures glaciales de la nuit...




Toujours dans l’exemple médiéval fantastique précédent (il s’agit en fait de ma dernière campagne de D&D), nos PJ évoluent dans un cadre montagneux en plein hiver : le village de Bergstaden (me souviens plus du nom que j’avais trouvé mais ca sonnait un peu dans le genre…) perdu dans une vallée au milieu de monts escarpés de la redoutable chaine de montagnes des Balinoks.
Le cadre est celui de Ravenloft (extension pour D&D), en particulier le Comté de Barovie. Il existe un contexte particulier à Ravenloft qui fait que de nombreuses zones du territoire sont recouvertes d’une brume surnaturelle qui rend les déplacements difficiles, en dehors de certains passages un peu plus sûrs, et qui peuvent même amener les voyageurs à se perdre (pour parfois ne réapparaitre que plusieurs années plus tard, sans avoir pris une ride…). Mais c’est une autre histoire…
En dehors de ça, la situation géographique et la saison étaient des motifs largement suffisants pour circonscrire les PJ à une zone particulière : ils sont en haute montagne, en plein hiver : les cols sont inaccessibles et le village est de fait totalement isolé. Mais c’est une situation normale pour la saison. Et c’est surtout bien commode pour éviter que les PJ ne se baladent partout ! Il faut juste éviter de présenter ces limites géographiques comme « le bord de la table de jeu ». En gros, il n’y a pas de mur invisible qui empêche les PJ de continuer…
En passant, cet isolement est aussi une motivation supplémentaire pour diriger les PJ vers le scénario : pour mémoire, le village est assailli par une meute de loups géants qui ont déjà enlevé et dépecé plusieurs villageois dans leur sommeil : les PJ étant coincés dans le village, ils se doutent bien que s’ils n’agissent pas, ça sera tôt ou tard leur tour…
Mes joueurs avaient tenté de franchir le col pour chercher de l’aide dans le village voisin, bien que la plupart des villageois le leur avaient déconseillé, et la traversée s'est déroulée de manière très très très difficile : certains PJ ont failli mourir de froid, d’autres ont évité de très peu la chute dans une crevasse et le groupe a failli se perdre dans le blizzard… Eh oui, ce n’est pas pour rien que le village est isolé par cette saison ! Mais en même temps, je ne leur ai pas dit de but en blanc : « ça ne sert à rien de tenter, le col est infranchissable ! » : la limite s’est imposée d’elle-même et elle n'en est que mieux acceptée par les joueurs.

    La problématique serait à peu près identique quand à la traversée d’un désert par exemple ; grâce à vos descriptions des PJ en train de mourir de soif et de chaleur, les joueurs finiraient d’eux même (ou alors avec quelques messages subliminaux ^^) par choisir de voyager de nuit, de point d’eau en point d’eau, en veillant à leurs réserves de provisions.

    Dans les jeux de rôles se déroulant à l'ère moderne, le cloisonnement des PJ peut être beaucoup plus difficile ; surtout si le scénario se déroule dans un milieu urbain avec des masses de moyens de transport à leur disposition. Les transports s'étant considérablement développés, si vous n'y prenez pas garde, les PJ peuvent se retrouver à Tokyo à suivre une fausse piste complètement imprévue en quelques heures de vol alors que vous les attendiez à Tampa, en Floride... La chose est beaucoup plus facile à contrôler si vos PJ sont des agents fédéraux ou des policiers : ils ont un boulot à accomplir quelque part et souvent ils s'y tiennent. Si les PJ sont des indépendants (détectives privés, dilettantes, journalistes...), les choses se compliquent. Là, il n'y a pas de recette miracle, c'est à votre scénario de faire en sorte que rien ne leur donne envie d'aller ailleurs (des indices, ou encore un contact qui les appelle in extremis pour leur donner un tuyau les incitant à revenir, voire le coup du « Ah non désolé monsieur, tous les vols pour Tokyo sont annulés en raison d'un ouragan... »).




    Même si les contraintes pour limiter les PJ à une zone géographique peuvent paraître superflues, voire dirigistes, elles me semblent toujours nécessaires en tant que garde fou ultime, histoire d'avoir bien cadré le scénario d'un point de vue géographique.

Textes du blog protégés par Copyright

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire